20 sept. 2009

Aux 10 ans de la Galerie Anatome

Yves Guilloux et Marc Vayer se sont rendus, samedi 19 septembre 2009, à l'anniversaire de la Galerie Anatome, à Paris... les 10 ans.


Yves Guilloux était invité à participer à une table ronde publique :
11h00 Culture et graphisme
avec les contributions de :
Chantal Creste, chargée de mission à la Délégation aux Arts Plastiques du Ministère de la Culture et de la Communication
Diego Zaccaria, directeur du Centre du Graphisme d’Echirolles
Etienne Bernard, journaliste et critique, commissaire d’expositions
Yves Guilloux, enseignant en communication visuelle au Lycée Public de l’Image Léonard de Vinci à Montaigu
Pierre-Yves Cachard, directeur de la Bibliothèque Universitaire du Havre
Emmanuel Tibloux, directeur de l’Ecole Supérieure d’Art et de Design de Saint-Etienne


La double page parue dans la nouvelle formule du quotidien Libération du 19 septembre 2009

Nous avons échangés, entre autres, avec les graphistes Malte Martin et Pierre Bernard.
Allocution du prix Erasmus attribué à Pierre Bernard en 2006
Grapus sur Wiki
Le site de l'atelier de Malte Martin et l'association Agraphmobile


Durant cette fête du graphisme a eu lieu une projection du court métrage d'animation Logorama, réalisé par le collectif H5. Voir sur le site d'Etapes la Vidéo / Rencontre avec H5 : Logorama


Voici deux textes MANIFESTES édités à l'occasion de cet anniversaire : un état des lieux du graphisme en France

[à rapprocher du Manifeste de défense de la communication publique publié par Cap'Com en réaction à la proposition de loi tendant à limiter les dépenses annuelles de communication des collectivités territoriales à 0,3 % de leur budget global.]


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Alerte

Le constat du manque criant d'un lieu consacré au graphisme à Paris nous a conduit à fonder la Galerie Anatome en septembre 1999.

Depuis dix ans, une programmation ouverte et exigeante a permis à un public de plus en plus large de découvrir le graphisme dans toutes ses dimensions. Auteurs confirmés et jeunes talents ont alterné pour offrir un panorama mondial de la création contemporaine. L'affiche a été mise à l'honneur de même que le graphisme éditorial ou le graphisme multimédia. La Galerie a cherché à promouvoir un graphisme pour lequel la qualité de l'environnement visuel constitue une préoccupation majeure, un graphisme engagé déontologiquement. Dans cette optique, une affiche est une œuvre personnelle et unique qui possédé une dimension éthique; un logotype ne se conçoit pas comme une entité jetable mais comme un signe dont F attrait compte autant que la pertinence.

Les professionnels se sont rassemblés très vite autour de ce projet. Ils s'en sont emparés. Quoi de plus stimulant que des vocations suscitées chez des étudiants, comme cela a été le cas maintes fois à l'occasion des expositions ou des événements qui les accompagnent ! La Galerie Anatome est toujours destinée à répondre à un besoin essentiel en matière de pédagogie. Les liens qu'elle a tissés avec un important réseau d'écoles en Europe en attestent. On ne devient pas graphiste en quelques semaines d'apprentissage. La plupart des créateurs exposés ont fait de longues études; tous ont acquis une pratique approfondie de leur art. Il ne s'agit pas de vanter l'excellence d'une élite. Tous savent s'adresser aux publics les plus larges, forgeant autour de concepts forts des éléments de communication parfaitement adéquats.

Si aux yeux d'un public nombreux et croissant et auprès des professionnels la Galerie Anatome apparaît comme un lieu privilégié pour la diffusion et la reconnaissance du graphisme, cela ne signifie pas que le combat pour la qualité soit gagné, bien au contraire. C'est précisément parce que le graphisme s'est renforcé en ce lieu que l'on mesure d'autant plus l'indigence d'une situation générale qui ne lui est pas favorable. Malgré tous les efforts, ce qui relève soi-disant du graphisme s'apparente trop souvent à du bling-bling ou à ce que charrient les packs qu'on se procure sur Internet.

La méconnaissance alarmante du graphisme de la part de ses commanditaires nous conduit à formuler ce manifeste en septembre 2009.

Les logiques de marketing, la logorrhée publicitaire ont des effets dévastateurs sur la qualité des images et des signes qui contribuent, notamment, à la communication dans l'espace public. Un processus d'encombrement et de surenchère vaine se perpétue au mépris de tous les constats et de toutes les alarmes. Il s'agit bel et bien d'un enjeu de société. La pollution visuelle ne peut continuer de s'étendre et de prendre des proportions monstrueuses à la périphérie de nos villes. Nous pouvons enrayer ces mécanismes absurdes.

La crise structurelle de nos sociétés remet en question les modes de leur développement. L'environnement et le cadre de vie sont au cœur des enjeux et le graphisme sera de plus en plus sollicité à concourir à leur renouvellement,

Nous interpellons les pouvoirs publics pour que soit mis en place un plan de sensibilisation à Fintervention graphique destiné à tous ses possibles donneurs d'ordre. Pour que les responsables d'institutions, les cadres associatifs, les élus, les chefs d'entreprise soient clairement confrontés à leurs prérogatives et obligations dans ce domaine, comme ils peuvent l'être dans le champ de l'architecture et de l'urbanisme.

La Galerie Anatome s'engagera pleinement dans cette bataille, de manière à affermir la diffusion du graphisme de création, pour renforcer la substance de son intervention et participer, chaque fois, à Famélioration de la qualité de l'environnement visuel,

C'est le sens que nous donnons à ce dixième anniversaire. De nouvelles dynamiques sont possibles. C'est aussi le souhait des trente et un graphistes qui se sont associés à ce manifeste. Ensemble, nous continuerons ce combat.

Marie-Anne Couvreu et Henri Meynadier, fondateurs de la Galerie Anatome


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Le lieu du graphisme à Paris

II faut remonter à L'Exposition internationale des arts et techniques modernes, en 1937, pour trouver à Paris une présentation exceptionnelle des arts graphiques.
Celle-ci était répartie entre plusieurs lieux. Le palais de Chaillot nouvellement construit abritait un vaste espace consacré aux arts graphiques et à l'imprimerie ; le pavillon de l'Union des artistes modernes (UAM) comportait de nombreux témoignages des réalisations dans ce domaine des adhérents de l'association ; enfin, l'immense pavillon de la publicité, sur le Champ-de-Mars, accueillait une rétrospective monumentale des affiches de la décennie. De quoi largement satisfaire les amateurs et sensibiliser un large public, les expositions proposant des parcours didactiques où les meilleurs auteurs (Cassandre, Carlu, Paul Colin) s'étaient appliqués à définir leurs interventions, de la création de caractères à l'affiche, alors « reine de la rue ».

Soixante-douze ans plus tard, on attend toujours une participation du graphisme de cette ampleur au spectacle culturel de la capitale.

Il y eut au début des années 1980 un musée de l'Affiche, rue de Paradis, idéalement situé dans d'anciens locaux industriels. Mais le musée changea d'appellation en musée de la Publicité puis ferma ses portes, pour se réfugier au sein de l'Union centrale des arts décoratifs, rue de Rivoli, où fut maintenu un centre de documentation. Désormais pourvu de locaux spécifiques, il développe une politique plus audacieuse et organise des présentations où le graphisme, passé et contemporain, tient son rôle.

Le Centre de création industrielle (CCI) - dans le cadre de l'Union centrale des arts décoratifs, puis en tant que département du Centre Pompidou - a su mener à ses débuts, autour d'une réflexion sur le design global, une politique de diffusion du design graphique. Contre toute attente, celle-ci s'est réduite comme peau de chagrin alors même que l'extension du domaine du graphisme révélait les potentialités de cette discipline (1).

L'idée d'un lieu permanent à Paris dédié au graphisme n'est cependant pas nouvelle. Plusieurs demandes de la part d'associations de graphistes ont été effectuées auprès des pouvoirs publics, depuis les années 1960, afin qu'un tel lieu existe et fasse office d'espace d'exposition et de centre de ressources. Aucune n'a abouti et c'est une initiative d'ordre privé et associatif qui a conduit à la naissance de la Galerie Anatome, en 1999.

Il y a dix ans, le graphisme pâtissait encore d'une absence flagrante de reconnaissance et manquait de soutiens institutionnels. Sa définition même demeurait peu compréhensible, alors que la diversité de ses interventions ne cessait de s'enrichir. L'objectif premier de la Galerie a consisté précisément à montrer des graphistes français et étrangers, avec la volonté de constituer un état des lieux de leur pratique.

Dix années après son ouverture, cet objectif est largement atteint. Outre de nombreux auteurs français parmi les plus notables, des graphistes allemands, américains, britanniques, chinois, coréens, espagnols, mexicains, néerlandais, polonais, russes, suisses, tchèques ont été exposés. A partir de l'affiche - en soulignant ses avancées mais aussi les incertitudes sur son devenir -, la Galerie a abordé tous les autres aspects du graphisme contemporain. Au fil du temps et des expositions, ses différentes facettes ont été dévoilées : créations typographiques, graphisme éditorial, signalétiques, identités de marques, habillages télévisuels, Webdesign, etc.

Cela a conduit la Galerie à affirmer ses positions, en exposant, notamment, la sélection du Concours des plus beaux livres français, depuis sa fondation, en 2007. Alors même que l'écran est partout installé, les recherches contemporaines démontrent que l'art du livre demeure la matrice de tout système graphique. Par ailleurs, l'exposition 80+80, organisée en collaboration avec la galerie Vu, a initié une dynamique de rencontres et de créations comparatives avec la photographie.

La Galerie Anatome a expressément choisi de défendre ce qu'il est convenu d'appeler le graphisme d'auteur, c'est-à-dire exercé de manière indépendante, seul ou dans le cadre d'un atelier, traitant en général directement avec les commanditaires. On peut préciser cette définition en lui associant le qualificatif de généraliste, qui témoigne peu ou prou de l'« extension du domaine ». Dessiner une affiche, concevoir la maquette d'un livre ou élaborer une identité visuelle, telles sont les prérogatives des graphistes, et ce à quoi les cursus d'études supérieures qu'ils ont pour la plupart suivis les ont préparés. Ces prérogatives se sont étendues au multimédia et à l'image numérique, que les graphistes ont largement investis, exerçant leurs talents dans le Webdesign, l'animation ou la réalisation de clips - les notions d'auteur et de domaine de compétence s'en trouvant élargies.

Ce que la Galerie a donné à voir au fil des expositions surclasse de très loin les signalétiques indigentes, les affiches de cinéma surannées, les formules de presse insipides, auxquelles, hélas, nous sommes confrontés quotidiennement. De sorte que peut se profiler le soupçon, rémanent en vérité dans ce domaine, d'un certain culte de l'excellence. Il suffit d'accorder un peu de son temps au public des expositions pour le balayer. Composé pour beaucoup d'étudiants et déjeunes professionnels, ce public vient chercher à la Galerie Anatome de quoi nourrir ses connaissances, puiser matière à se forger une authentique culture graphique.

Si la programmation de la Galerie a pu se constituer en exemple, c'est bien sûr par la qualité des auteurs exposés, c'est également par la forte volonté didactique qui guide ses fondateurs, Henri Meynadier et Marie-Anne Couvreu, et sa directrice, Nawal Bakouri.

Ceux-ci ont parfaitement appréhendé dès l'origine que la présentation du graphisme doit faire l'objet d'une pédagogie appropriée, car il ne s'agit pas d'une démarche de même nature que de montrer des œuvres d'art, généralement uniques et/ou par essence destinées à l'exposition. Avant d'être accrochée aux cimaises d'une galerie, une réalisation graphique est diffusée dans l'espace public et largement reproduite dans le cadre de la commande qui est à sa source.

Montrer une identité visuelle, un habillage de chaîne - de télévision, une formule de presse écrite oblige à décrire les mécanismes de l'intervention autant qu'à afficher ses résultats. En «offrant» le lieu aux créateurs invités, les responsables de la Galerie ont très tôt dialogué avec eux sur ces questions, et expérimenté des solutions novatrices. En témoigne l'ouvrage rétrospectif publié en 2006 sous le titre Exposer/ S'exposer.

Une galerie consacrée à la présentation du graphisme contemporain formait une initiative inédite en France, où il n'existait aucun lieu permanent d'exposition entièrement consacré au graphisme. Que cette galerie soit devenue un laboratoire pour la discipline est sans précédent au plan mondial. La recherche préalable aux expositions fait l'objet d'un long processus de prise de contacts et d'échanges. Les créateurs sont conviés à divulguer et mettre en valeur leur démarche à travers les étapes de son élaboration, depuis les maquettes jusqu'aux «chartes» en passant par les «repentirs». Ils sont également sollicités à raconter leur œuvre auprès du public et à en débattre (2) , et à assurer des visites commentées destinées tout particulièrement aux étudiants venus des écoles d'art françaises et étrangères. Des dizaines d'établissements en Europe sont désormais partenaires de la Galerie.

Le dispositif ainsi mis en place a rencontré l'adhésion unanime de la profession - sans laquelle le projet n'aurait pu s'installer dans la durée ni la Galerie préserver foncièrement son indépendance. De nombreux invités ont déjà eu l'occasion de présenter leur travail dans le cadre d'expositions personnelles et collectives, ou au sein de festivals, il n'en demeure pas moins qu'exposer à la Galerie Anatome représente un rendez-vous rare avec le publics.

La plupart des expositions ont été d'authentiques créations, et ont représenté de véritables rétrospectives pour certains auteurs. Tous ont contribué avec enthousiasme à l'événement qui leur était consacré et tenu leurs engagements avec soin.

La Galerie n'est pas un refuge, un quelconque conservatoire, mais un lieu voué à défendre et promouvoir la qualité du graphisme contemporain sous tous ses aspects. Tout concourt à ce que son projet se développe encore. Le gage de son devenir tient dans l'optimisme qui a présidé à son lancement et permis son essor. On le situera aussi dans les solides convictions éthiques de ses responsables. Quant au monde du graphisme, il est regroupé, il sait se mobiliser pour que vive la Galerie Anatome.
Michel Wlassikoff, historien du graphisme

1 En dehors de Paris, il faut mentionner le Festival de Chaumont et le Mois du graphisme d'Echirolles, le premier fondé en 1989, le second l'année suivante. Le Festival, transformé en Rencontres internationales du graphisme, à Chaumont, a organisé ces dernières années des expositions remarquables, sous la direction artistique de Pierre Bernard, Alex Jordan et Vincent Perrottet (leur mission s'est achevée en 2009). A Echirolles, les initiatives de Michel Bouvet, Alain Le Quernec et Eric Fauchère, concernant toutes les dimensions du graphisme (en particulier le graphisme éditorial) et témoignant de son universalité, sont également à saluer. Toutefois, aucun n'a pu accéder à la dimension atteinte à Angoulême, Arles ou Saint-Etienne, par les manifestations autour de la bande dessinée, de la photographie ou du design.

2 Depuis 2000, la Galerie a accueilli les rendez-vous mensuels organisés par les Rencontres de Lure. Cet événement dédié à la typographie, au graphisme et à la communication, qui se tient chaque été à Lurs-en-Provence, est relayé au fil de l'année par des conférences faisant intervenir praticiens et chercheurs. Plusieurs des exposants ont eu l'occasion de s'exprimer dans ce cadre.

3 L'association Galerie Anatome, sous l'égide de laquelle fonctionne le projet, regroupe près d'un millier d'adhérents.




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