22 mai 2011

Partir en vacances en Tunisie

Collecté par Marc Vayer sur Télérama.fr
Décryptage
Des pubs qui tuent pour la Tunisie
Le 16 mai 2011

LE MONDE BOUGE - La tension, les balles, les ruines… mais pas celles que l'on imagine. Le campagne publicitaire commandée par le ministère tunisien du Tourisme a une agence tunisienne s'affiche depuis le 9 mai dans les journaux français. Elle vante une Tunisie “sea, sex and sun” au moment précis où le couvre feu vient d'être réinstauré.

Le mauvais slogan, au mauvais moment. Un vrai cauchemar pour un publicitaire. Une campagne de communication commandée par l’Office national du tourisme tunisien vante depuis une semaine, dans nos journaux, le farniente de l’autre côté de la Méditerranée : « Il paraît qu’en Tunisie, la tension est à son comble », ironise la publicité qui invite les touristes à revenir « bronzer sur de belles plages de sable fin ».
Au moment où Tunis vit à nouveau sous le couvre-feu après une semaine de manifestations violemment réprimées par la police, cette campagne ne risque pas de redresser le secteur touristique en berne. Une industrie qui représente 7% du PIB tunisien et emploie, au bas mot, 400 000 personnes. 
Les deux autres visuels de la campagne sont d’un goût tout aussi moyen quand on sait la Tunisie politiquement très fragile, avec des dizaines de milliers de réfugiés libyens aux frontières :


Selon l'Office du tourisme tunisien, le gouvernement a réservé une enveloppe de trois millions d'euros pour cette campagne. 
Alors pourquoi ne pas avoir stoppé cette opération, la semaine dernière, quand les manifestations et la violence gagnaient Tunis et une partie du pays ? « On a bien réfléchi, on a pesé le pour et le contre […]. Ces événements sont sérieux pour nous les Tunisiens mais d’un point de vue touristique il n’y a aucun risque,et pas de problème de sécurité », estime Syrine Cherif, responsable de l’agence tunisienne Memac Ogilvy, qui a conçu la campagne :



Même sans couvre feu, est-ce que la Tunisie « sea, sex and sun » du tourisme de masse est celle que les publicitaires doivent mettre en avant quand la révolution et la liberté recouvrée des Tunisiens leur offrent un formidable thème de communication ? Des communicants Français s’y étaient essayé en février, quelques semaines à peine après la révolution, à travers une campagne « I love tunisia » destinée au Net et aux réseaux sociaux. Mais là, surprise, le ministre du Tourisme du gouvernement provisoire, Mehdi Houas, a fait appel à un professionnel, Bastien Millot, proche de l'UMP et compagnon de route de Jean-François Copé. Pas rancunier, le ministre du Tourisme sollicitait donc un communicant bien en cours dans les cercles de la majorité à Paris, à un moment où la France courrait après une révolution qu’elle n’avait pas vu venir.

« Je ne connaissais pas personnellement le ministre du Tourisme », assure Bastien Millot, 39 ans, pdg de l’agence Bygmalion, par ailleurs chroniqueur à Europe 1 et ancien membre de l’équipe de direction de France télévision. « C’est le Club du XXIe siècle [un cercle d’influence qui, depuis 2004, réunit notamment des chefs d’entreprises et des banquiers, souvent d’origine étrangère, NDLR] qui nous a mis en contact. C’est vrai que certains présentent Bygmalion comme une “boîte proche de l’UMP”, j’ai travaillé dix ans comme collaborateur de Jean-François Copé et il m’arrive encore de le conseiller à titre amical, mais le ministre du Tourisme ne m’a jamais dit qui m’avait recommandé. »

La campagne « I love tunisia » et son slogan « The place to be… now ! » a coûté, d’après Bastien Millot, la somme modeste de 8 000 euros pour une présence furtive, à partir du 14 février, sur le Net et les réseaux sociaux.
Humour involontaire ? Le site, aujourd’hui en déshérence, n’oublie pas de mentionner Tabarka, le lieu de réveillon 2010 de l’ancienne ministre française des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, avec cette mention : « Les longues plages de Tabarka ont encore une allure indomptée qui ravira les amoureux de nature. »

En matière de communication touristique, c’est finalement le chef historique du mouvement islamiste Ennahdha qui a fait un sans faute. Le 17 avril à Hammamet, Rached Ghannouchi a pris habilement à rebrousse poil ses ennemis politiques. « Ni l’islam, ni la révolution ne représentent une menace pour le tourisme », a-t-il déclaré. Mais surtout, le chef islamiste qui dit vouloir attirer de nouvelles catégories de touristes dotées d’un pouvoir d’achat élevé a pris la défense du tourisme culturel. Dans son catalogue de voyage, le leader islamiste a même inclus la découverte de la Tunisie sur les traces d’un célèbre chrétien : Saint Augustin ! Ghannouchi l’islamiste, plus fort que les publicitaires ?

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