16 nov. 2008

La classification VOX-AtypI

par Marc Vayer (reprise de nombreux textes très courants décrivant cette classification)

Classification Vox-AtypI

C'est Francis Thibaudeau qui, le premier en 1921, eu l'idée de regrouper certains caractères présentant des caractéristiques communes établies selon certains critères formels principalement liés aux empattements. Il classa ainsi les caractères en quatre familles : bâton ou antique, didot, égyptienne, elzévir.

Cette répartition, insuffisante pour concerner l'ensemble de la production graphique, fut complétée en 1954 par Maximilien Vox avec une répartition en neuf familles tenant compte de l'architecture générale des lettres et de détails historiques : manuaire, humane, garalde, réale, didone, mécane, linéale, incise, scripte. Il fallut attendre l'addition de deux familles, fractur et orientale, proposées par l'AtypI (Association Typographique Internationale) en 1962, pour parvenir aux onze familles de la classification Vox-AtypI.

Cette classification, adoptée par toute la profession du monde des Arts et Industries graphiques, permet de faire entrer dans une de ces familles tous les caractères actuellement sur le marché ou, tout au moins, par le principe d'addition de définitions, de pouvoir décrire tous les caractères.

Bien entendu certains caractères dessinés pour le titrage ou pour des amusements typographiques peuvent en être exclus.


Humanes

Les humanes sont des lettres établies sur le modèle des écritures humanistiques des débuts de la Renaissance italienne : elles marquent le retour à une écriture dont le graphisme de petit module, plein de rondeur, s'oppose à la Gothique déclinante de cette époque.

Le premier établissement de ces types est le romain rond de Nicolas Jenson créé en 1470, qui servira de modèle aux imprimeurs vénitiens de la fin du Quattrocento et qui s'inspire d'une écriture plus ancienne : la caroline, imposée à tout l'empire carolingien dans le cadre d'une grande réforme qui tentait d'uniformiser la transmission du savoir par l'adoption du latin. Les humanes, qui prennent les lettres lapidaires de l'époque romaine pour modèle des capitales ainsi que la caroline pour modèle de leur bas-de-casse, symbolisent donc résolument la période de la renaissance européenne.

La typographie de ces lettres est peu déliée et leurs empattements sont massifs. On retrouve certaines constantes, dans les différentes humanes, notamment en bas-de-casse, dans le « a » sans larme, dans le « z »dont la traverse est un délié, dans le « e » barré obliquement en capitale, dans le « M » dont les fûts sont légèrement obliques et surmontés d'un double empattement gauche-droite, comme l'est parfois le « A ».

Garaldes

Les garaldes tiennent leur nom de deux grands créateurs de caractères du XVIe siècle : le Français Garamont, et l'Italien Alde. Cette famille de caractères, typiques de la Renaissance, présente une meilleure définition que les caractères humanes.

L'élégance des garaldes en précise les grandes lignes : si de plus grandes finesses constituent leur ossature, certaines caractéristiques des humanes disparaissent avec les garaldes. Ainsi, en bas-de-casse, la barre oblique du « e » s'horizontalise et s'élève, le « a » gagne une larme ou une goutte, le « z » récupère une traverse pleine. En capitale, le « M » et le « A » perdent leurs empattements supérieurs.

La création des caractères garaldes, comme le Garamont de 1510 à 1530 et plus précisément leur production, furent motivées par la rénovation d'une typographie rustique humane. Ces nouveaux caractères devaient servir la volonté politique de transmission du savoir sous le règne de François 1er. Ils sont l'adaptation graphique parfaite pour la transcription de la langue française que les grammairiens, tel Robert Estienne, commencaient alors de régir.
De même, le Caslon, qui répond aux nécessités de transcription de la langue anglaise, est créé en Angleterre à la même époque.

Dans la famille des garaldes, on retrouve le Garamont et le Galliard.

Réales

À la commande de Louis XIV et dans l'atmosphère de l'esprit moderne qui préside aux grandes disciplines du XVIIe siècle, un nouveau caractère susceptible de remplacer le Garamont, dont la création remonte au règne de François 1er, fut créé pour répondre aux nouveaux besoins de perfection des imprimeurs face à la qualité des ouvrages produits à l'étranger, notamment dans les pays du Nord de l'Europe. L'absolue beauté du Romain du roi se devait de surpasser la qualité des productions hollandaises de l'Imprimerie Plantin à Anvers et de rayonner sur toute l'Europe, à l'instar de son mentor.

Ce défi fut confié au graveur Philippe Grandjean qui s'inspira de l'étude imposée de l'Abbé Jaugeon dont les travaux, concrétisés par des dessins, ne furent pas précisément suivis. Cependant, Grandjean s'y référa fortement pour graver vingt et un corps complets de caractères et trente - quatre corps d'initiales.

À l'image de l'architecture du palais de Versailles, les travaux de Jaugeon font apparaître une grande rigueur dans la construction de chaque signe : la lettre d'imprimerie, jusque - là construite sur des fondements manuscrits et calligraphiques, se trouve précisément dessinée avec règle et compas dans des carrés divisés en 2304 carrés. Emprisonnée de la sorte dans une cage plus que contraignante, la lettre semble refléter les exigences d'un règne codifié à l'extrême : le Romain du roi répond à près d'un siècle d'absolutisme.

Heureusement, les travaux de gravure de Grandjean adaptent intelligemment ces règles nouvelles parfois impossible à respecter sans outrager celles, fondamentales, de l'œil et de l'équilibre des formes, de sorte que ce caractère si marquant de son époque constitue la référence d'une bonne part de la typographie moderne : les Baskerville, Didot, et autres Bodoni lui doivent beaucoup.

Didones

Le nom de cette famille fait référence à deux créateurs et à leurs œuvres : Didot et Bodoni, dont la contraction des noms a donné didones.

La venue des didones est inséparable des révolutions politiques provoquées par l'avènement de l'Empire. Cependant, les premières tentatives de réforme de la typographie sont en germe dans les caractères de la fin du XVIIIe siècle, en particulier dans les recherches de Baskerville, en Angleterre, et de Fournier, en France.

1789 ne fit donc qu'accélérer une volonté antérieure. À l'époque de la création du Didot, une réforme de la typographie officielle était de toute façon indispensable : pouvait-on en effet imaginer typographier pour l'empereur comme on le fit pour les rois Louis XV et Louis XVI ? Il importa donc d'imaginer la typographie de l'Empire, révélatrice des préoccupations de l'époque nouvelle et de ses évolutions de style : stricte, intellectuelle, logique, et respectueuse du Canon, ainsi que la décrit Maximilien Vox.

L'apparition du Didot fut avant tout permise par les progrès de la technique de la gravure du poinçon typographique alors utilisée depuis trois cent ans.
La maîtrise de la typographie au plomb, associée à l'amélioration des techniques d'impression, autorisa, sans trop de difficultés techniques, l'usage d'une lettre caractéristique par ses jeux de graisses et de contrastes entre déliés et pleins, promesse de la rigueur des graphismes nouveaux.

Comme toujours dans l'évolution des écritures, l'esprit du temps est fortement présent dans les graphismes, l'écriture et la typographie. L'élaboration du Code Civil, qui tendit à organiser la société française, induisit en typographie l'avènement d'un rythme particulier extrêmement régulier : le Didot, adopté sous l'Empire, puis sous la Restauration, s'étendit rapidement aux démocraties du monde entier par l'épurement de ses formes et l'autorité naturelle qui se dégage de son graphisme fait de formes pures, d'intersections de lignes se croisant à angle droit, de pleins et de déliés fortement opposés.

Les didones font apparaître une lettre rigoureuse et statique dont l'architecture générale rappelle l'organisation apprêtée du Grandjean. C'est-à-dire monumentale rigide et portée à la symétrie pour certains éléments. L'alternance régulière des parties blanches ou légères de la lettre avec les parties pleines ou noires donne à ces types leur cadence, leur rythme. Le style de cette typographie, contrairement aux typographies proches des écritures manuscrites, est à axe vertical et emprunt de grandeur statique.

Aisément reconnaissable à la finesse de ses empattements, il fut utilisé à l'Imprimerie impériale pour l'impression des Cérémonies du Sacre de Napoléon ainsi que pour l'impression des grands textes de Racine, Boileau, La Fontaine, etc.
Le Didot, caractère adopté par les romantiques pour l'opposition marquée des différentes parties qui le composent, contribua à la propagation de la nouvelle littérature.

Par ailleurs, le XIXe siècle offrit de nouvelles possibilités d'expression à travers la publicité et l'affiche : l'exagération possible des contrastes du caractère Didot permit le passage d'une typographie uniquement liée au texte à une typographie d'avantage liée à la visibilité et au choc optique.

Mécanes

Ce type de caractères, apparu au XIXe siècle pendant le développement du machinisme, illustre parfaitement le travail de l'ingénieur : ses courbes régulières, ses empattements rectangulaires uniformes et fortement marqués évoquent l'assemblage de pièces de mécanique.

En réponse aux besoins naissant de la publicité, les mécanes sont des lettres à lire pour la presse ou des lettres à voir. Son utilisation sous des formes diverses - étroite, élargie, grasse ou maigre - est toujours marquée d'un fort pouvoir percutant.

Peu utilisés aujourd'hui, ces caractères demeurent toutefois encore employés sous une forme rénovée s'approchant de certaines égyptiennes, appelées « italiennes » au début du XXe siècle, dans lesquelles on peut constater une inversion des pleins et des déliés, au moins pour les parties horizontales et verticales. En outre, on les trouve dans certaines marques ou logotypes comme le titre du journal Le Figaro.

Linéales

Les caractères de cette famille semblent être les plus simples à dessiner, en réalité il n'en est rien. S'ils laissent apparaître, la plupart du temps, une graisse uniforme, verticalement ou horizontalement, les dessinateurs qui ont procédé à sa mise au point ont en réalité opéré une modification de l'épaisseur des pleins et des déliés afin qu'optiquement ceux-ci semblent égaux et qu'ils s'harmonisent en un dessin équilibré.

Dès l'antiquité grecque, puis romaine, la gravure lapidaire fit appel à cette catégorie de lettres en capitales. Au XIXe siècle, le développement de la lithographie en augmenta l'utilisation par la facilité des affichistes à dessiner des caractères qu'ils croyaient simples.

Au début des années 1920, les travaux des artistes du Bauhaus bannirent tout esthétisme et tendirent vers le fonctionnalisme, mélangeant architecture et typographie qu'ils traitèrent de la même manière en adoptant des modèles qui leur semblaient dénués de caractéristiques culturelles.
Un complément bas-de-casse fut apporté aux capitales qui poursuivit ce but unique de créer une typographie universelle, propre à remplir toutes les fonctions. Le choix de l'adoption de ce caractère semblait alors dicté par des désirs de mondialisation culturelle.

Incises

Famille de caractères typique des années 1950-1960, elle tient son nom d'une technique, utilisée en gravure lapidaire et en gravure en creux, qui favorise la forme parfaitement rectangulaire de la terminaison des fûts ou plus généralement des lettres linéales par l'accentuation des angles, légèrement aigus, sorte d'amorces d'empattements.

Les incises sont un intermédiaire entre garaldes et linéales. Lettres élégantes et un peu froides, le jeu de la lumière sur ces caractères, surtout en photographie, n'altère pas leur définition.

Scriptes

Cette catégorie de caractères regroupe tous ceux dans lesquels le mouvement naturel de la main pour le tracé est présent , c'est - à - dire les caractères imitant l'écriture courante.

Cela concerne toutes les lettres présentant un ductus visible et naturel de la part du scripteur, telle l'anglaise, la ronde, la coulée, etc., mais aussi des créations où la cursivité du tracé est évidente, comme le Mistral par exemple.

Ces caractères ont été et sont encore très employés par les imprimeurs qui composent avec ceux - ci des travaux de ville tels les faire - part, invitations, en - tête, etc.

Fraktur

Les Fracturs ou Fractura, ainsi désignées par les brisures que présentent leurs graphismes, sont les caractères dont les formes se rapprochent des caractères gothiques, c'est-à-dire des caractères dont le rythme d'écriture est haché, les rondeurs brisées, les contre-formes généralement étroites.

C'est un caractère lourd et serré dont le résultat imprimé présente un aspect de page de forte densité noire.

Cette famille de caractères regroupe tous les caractères de même tendance dès le XIe siècle jusqu'à la Renaissance, mais il convient d'y inclure toute lettre présentant ces caractéristiques quelque soit l'époque de sa réalisation.

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