11 sept. 2010

40 ans d'autocollants politiques / Extraits

Ne pas plier / 2000


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LUTTES DES SIGNES
SIGNES DES LUTTES
40 ans d'autocollants politiques
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Zvonomir Novak
Les éditions libertaires nov 2009
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Ouvrons un dictionnaire ancien, quelle définition donnait-il au mot papillon ?
Petite feuille volante. Celle-ci a accompagné depuis la fin du XIXe siècle, toute la vie politique française avec une ampleur méconnue.
Les royalistes, les bonapartistes, les antisémites, les anticléricaux. les suffragettes et les autres, ont été portés par ces papillons.
Mais qu'écrit notre dictionnaire actuel sur l'autocollant? Autocollant se dit d'une image qui adhère sans être humectée et pour rajouter un exemple : Papillon autocollant à l'arrière d'une voiture.
Les choses sont dites. l'autocollant suivra les traces du papillon et retracera notre vie politique. en direct par les principaux acteurs du terrain : les militants.
L'autocollant fête ses 40 ans. Quarante ans déjà qu'il inonde nos espaces publics sans relâche. Il est visible sur les murs de Dakar, ainsi que sur les rickshaws de Calcutta. Mais on ressent un sentiment de malaise devant les murs nus de Pékin ou de Rangoon.
Il est vrai que l'autocollant est séditieux, de nature libertaire, les dictatures ne peuvent tolérer ces morceaux de subversion. ces petits imprimés de la liberté.
Tout autocollant est un instantané de l'actualité passée et contemporaine. Ainsi voyager dans l'histoire de l'autocollant. C'est revivre un peu les événements oubliés. Alors, ils nous rafraîchissent la mémoire et nous rappellent un meeting d'antan, une manifestation ou bien un événement passé inaperçu.
L'autocollant est la chronique du militant, ce combattant de l'ombre, en première ligne de cette guérilla des signes. S'y intéresser, c'est nécessairement rendre hommage à ce monde effacé, celui du militant.


No Pasaran / 2010 / photo M.Vayer

SES ATOUTS ?

Si l'autocollant colle à l'histoire, il le doit à l'abondance de sa production. Cette caractéristique le conduira à devenir le support privilégié des organisations politiques et sociales, tant par la richesse de son graphisme que par la diversité de ses fonctions.
En outre, son succès découle de sa facilité de pose qui le rendra si performant et donc si apprécié. A l'inverse, l'affiche entamera son déclin, dû à diverses raisons : l'argument écologique du gaspillage de papier ou la répression de la loi sur l'affichage public et surtout le manque d'espace d'apposition.
Photographies des rues du Paris d'avant-guerre nous surprennent toujours, elles nous montrent une profusion d'affiches s'accumulant pêle-mêle sur les murs ainsi que des immeubles de partis politiques entièrement recouverts de propagande. Contrairement à ce que l'on peut croire, la présence visuelle du politique a depuis reculé, affiches, papillons et banderoles se sont raréfiés.
Comme il n'y a plus de murs à prendre, restent les bancs publics, les panneaux de signalisations, les abris bus, tout ce qu'on appelle le mobilier urbain. Pour cette raison, l'autocollant prend progressivement la place de l'affiche et occupera sans complexe tous les espaces publics. Un atout supplémentaire pour l'autocollant et ses possibilités formelles.
Si l'affiche reste coincée dans le cadre étroit du rectangle, l'autocollant adopte au contraire les figures les plus variées, du cercle au triangle en passant par toutes les formes découpées comme la main, le coeur ou encore le pied. U pousse encore son avantage en accomplissant des fonctions auxquelles il n'était pas destiné, en effet l'autocollant s'appose, mais il peut se porter comme l'insigne ou se distribuer comme le tract.

CNT / 2010 / photo M.Vayer
MÉPRISÉ ?

On se trouve alors devant une contradiction de taille, c'est son succès qui entraîne son rejet. Plus l'autocollant se popularise, plus il est méprisé et jugé comme un sous-produit de l'affiche. Ses qualités aboutissent très vite à une production pléthorique de facture - très - inégale, expliquant en partie ce manque de reconnaissance institutionnelle.
La profusion ne rime ni avec rareté, ni avec exception, deux condi tions indispensables pour attirer l'attention d'une bourgeoisie férue d'art élitiste. Trop commun pour elle !
Son statut de papier éphémère, n'encourage pas à institutionnaliser ce petit imprimé battu par les intempéries.
A notre connaissance, il n'a fait l'objet d'aucune étude d'ensemble. pas le moindre livre, ni reportage.
A l'inverse, l'affiche politique a  trouvé les chemins du musée et celle du marché. Rajoutons que l'héritage du graphisme politique en France tarde à être reconnu à sa juste valeur.
L'autocollant reste encore mal perçu, si bien que certaines organisations n'ont pas jugé bon de les conserver et de les archiver. C'est un précieux témoin de leur histoire qui s'envole dans des déménagements successifs, leur mémoire ainsi occultée. Il est donc difficile de reconstituer son parcours graphique car les stickophiles (collectionneurs d'autocollants) sont rares, nombres de témoignages historiques sont alors perdus pour toujours.

RÉHABILITÉ ?

Heureusement les temps changent et une prise de conscience s'amorce. La plupart des partis politiques ont finalement décidé d'archiver soigneusement leur production d'autocollants pendant que d'autres chassent désormais le papillon auto-adhésif, à la poursuite de leur mémoire chancelante. Pas si facile car les autocollants sont éphémères, une fois envolés, ils ne se retrouvent plus.

Des organismes associés à des partis ou à des syndicats voient le jour et essayent de rassembler ces documents, de les archiver et de les diffuser. Citons par exemple le CIRA (Centre international de recherches sur l'anarchisme) pour les libertaires, l'OURS (l'Office universitaire de recherche socialiste) pour le Parti socialiste, RADAR (Rassembler, Diffuser les Archives des Révolutionnaires) pour le NPA, etc.
Les musées commencent à s'y intéresser et intègrent dans leurs expositions de plus en plus de documents éphémères, comme les papillons et les autocollants.
Les chemins de la reconnaissance s'entrouvrent enfin, ainsi le graphisme politique est peu à peu inclus dans les études généralistes sur le graphisme. Nous pensons à Michel Wlassikoff et son travail monumental : L'histoire du graphisme en France.

 ? / 2010 / photo M.Vayer
UN ART POPULAIRE ?

L'autocollant est un vrai média chargé de faire circuler de l'information, un média techniquement limité, il est vrai. Mais on peut aussi le considérer autrement, comme un art authentiquement populaire.
Expliquons-nous ! L'autocollant est le centre d'un monde discret. celui des militants. Il y a les membres des grandes organisations, ceux-la ne font que réceptionner, autocoller, commenter les autocollants conçus par leur direction. Et il y a ceux qui appartiennent à ces myriades de petites organisations, à des groupes de pression et qui participent directement à la créativité militante. Ceux-là fabriquent des autocollants, cherchent des idées, s'expriment.
Et c'est alors une véritable fièvre qui s'abat sur ce milieu, une activité de fourmis d'où sortent de jolies perles, da ns un flot de mauvaises images et de rédaction ratée.
Ainsi tant de personnes non destinées à jouer les artistes, se révèlent faiseurs d'images, si l'on considère que l'artiste populaire avait plutôt un parcours d'autodidacte, qui a tout appris sur le terrain, le militant créateurs de signes est donc un artiste populaire.
On peut aller plus loin en affirmant que l'autocollant politique est un élément de la culture populaire, une culture de masse, faite par et pour le plus grand nombre, un élément de transmission de valeurs et une forme de tradition populaire de la contestation. Il suffit d'observer notre autocollant dans les rassemblements, objet de singuliers rituels, avec ces façons de le distribuer, ces gestes d'échange, cette communication qu'il induit. Il est alors l'objet de toutes les attentions et de tous les commentaires.

Et que penser de ces manifestants qui se transforment en hommes autocollés, entièrement recouverts de la tête aux pieds. Les manifestations sont bien des rites populaires modernes avec les habitués, les intermittents et les spécialistes qui alimentent le long des cortèges des supermarchés du signe.
Certains l'ont bien compris et interviennent dans les manifestations par des actions autocollantes. Le but est de dynamiser et d'injecter un souffle de poésie. Ces formes de happening sont bien accueillies et s'intègrent pleinement aux rites festifs des grands rassemblements populaires. Ainsi le graphiste Gérard Paris-Clavel et le groupe Ne pas plier produisent des autocollants et autres objets graphiques, avec un contenu énigmatique et un fort potentieI onirique. L'objectif est de mettre la puissance du signe du bon côté, celle des exclus, en réaction à l'imagerie dominante marchande. Aussi dans leur atelier l'Epicerie d'art frais sont confectionnés tant de petits papiers poétiquement subversifs.

UN VECTEUR DE SIGNES

L'autocollant politique est un concentré de graphisme, nul autre moyen de propagande ne transporte autant de signes. Ce support imprimé réunit à lui tout seul les bases graphiques du signe : le logotype, la couleur, le slogan, la forme. Ces éléments réunis sont les facteurs de cohésions indispensables à tout groupe politique et permettent à ce monde de se reconnaître mutuellement.
Il devient identitaire, commence alors la concurrence des signes, voire la guerre des symboles, le livre de Philippe Contamine
Etat et société à la fin du moyen-âge relate un exemple de rivalités symboliques entre la croix blanche de France, la croix rouge d'Angleterre et la croix de Saint-André des Bourguignons. En devenant le véhicule principal des codes visuels de nos partis, l'autocollant se trouve en première ligne de la lutte des signes, ce combat invisible et permanent, vecteur des batailles idéologiques.
Pour ces raisons, notre autocollant devient un révélateur des cultures politiques et de l'identité profonde des organisations. Il sera, à juste titre, utilisé comme outil pour étudier les fondements visuels des partis et en dresser la carte d'identité.
Bien sûr les organisations politiques ne sont pas les seules à produire des autocollants, la gauche a l'exceptionnelle capacité d'engendrer des mouvements de base, des vagues populaires non cont rôlées, des comités, des coordinations, des structures de soutien.
Tous ces bénévoles d'une seule cause, souvent hostiles aux structures partidaires sont de formidables créateurs de signes. Nous serons attentif à ces combats qui ont marqué ces quarante dernières années.
Bien sûr, les syndicats nous submergent aussi d'autocollants, véritables viviers d'images symboliques. Nous avons laissé volontairement ce domaine si riche de côté, pour nous concentrer uniquement sur le politique (par manque de place). Et que penser aussi de ces associations et groupes de pression au contenu idéologique très marqué, pratiquant l'autocollant à grande échelle. Nous pensons à Act-up Paris et à ses graphismes novateurs, à Greenpeace et à ses ventes d'autocollants indispensables à son budget. à Attac et à ses collaborateurs de talent et à tous les autres. Je n'aborde pas cette catégorie d'autocollants. ils doivent faire l'objet d'une étude à part (d'un prochain livre).

 CBIL / 2010 / photo M.Vayer 

LES CENT ET UNE FONCTIONS

Sa spécificité, l'autocollant la doit avant tout à l'impressionnante diversité de ses fonctions. Son champ d'action s'est peu à peu élargi pour le conduire à remplir les rôles de l'insigne, du badge ou du tract, une vocation plurielle, un trois tn un en somme_ Dans les enquêtes menées auprès des militants, je constate un nombre important d'avis contradictoires sur la manière de concevoir ses modes opératoires.
Finalement, chacun lui réserve des missions différentes et l'ac commode à sa sauce. Ces divergences sont instructives et nous indiquent que l'autocollant est toujours pensé par rapport à la culture politique de chacun, à son idéologie, ses moyens financiers, ses compétences et ses objectifs. Dis-moi à quoi tu destines ton autocollant et je te dirai qui tu es? Mais qudles fonctions assure-il ?

AUTOCOLLANT D'APPARTENANCE

C'est un autocollant de contact que l'on appose sur soi, dans les manifestations, les meetings et les congrès. Il se colle partout, sur le revers de la veste, au dos du blouson ou sur le casque de moto pour les services d'ordre. Il sert à désigner son camp politique, à être reconnu par les siens ou par les autres. Il répond aux questions : qui es-tu? A quelle organisation appartiens-tu ? Il remplit le rôle traditionnel du badge ou du pin's, avec un avantage conséquent : la rapidité de collage et de décodage. Cette mission appartient en propre à l'autocollant car l'affiche n'a aucun rapport au corps.
Les manifestations fournissent un bon exemple de cette fonction d'appartenance où les responsables politiques et syndicaux, regroupés en tête de cortège, arborent l'autocollant de leurs organisations respectives.
Une technique d'identification médiatique, pour se faire reconnaître devant les caméras de télévision et les photographes de presse. On utilise aussi ce moyen lors de négociations et de conflits médiatisés.
Cette catégorie d'autocollant remplit la fonction emblématique des armoiries de l'époque féodale. L'héraldique, spécialité consacrée à l'étude des blasons, codifiait graphiquement des personnes et D des groupes humains, à une époque où J'écrit était peu développé.
L'autocollant de reconnaissance est l'équivalent actuel de l'ancien écu, un bouclier peint bien souvent.
L'autocollant est comme une signalétique, il doit être simple, précis et lisible de suite. Comme il ne comporte généralement que le logotype et le sigle de l'organisation, les caractères typographiques remplissent alors un rôle décisif. L'autocollant devient ainsi le véhicule principal du logotype politique et par conséquent un outil fondamental d'analyse des symboles politiques. Il y a des pays leaders pour cette famille de graphisme, l'Allemagne et des partis comme le SPO et la CDU par exemple, à la typographie particulièrement efficace. Pas de mépris s'il vous plait pour ces autocollants à l'apparence très ordinaires, ils font l'objet de soins attentifs et sont devenus indispensables. C'est l'image d'un parti qu'ils représentent !

 RATP / 2003

L'AUTOCOLLANT D'ACTUALITÉ

Il répond rapidement à un événement précis et réagit à chaud à l'actualité. Son modèle, ce pourrait être la vignette de la manifestation insurrectionnelle pour l'Algérie française du 13 mai 1958, dans les rues d'Alger ou le papillon de la manifestation du 29 mai 1968, qui allait clore les événements de Mai. Il est rare, recherché et souvent introuvable, car il est distribué lors d'une manifestation spontanée ou d'un rassemblement d'urgence. Si on n'y est pas, il vous échappe. C'est le document de l'histoire en mouvement qui s'accélère.
C'est une arme en papier adaptée aux offensives politiques, aux contre attaques, aux putschs médiatiques. Il réagit à un fait divers, comme un crime raciste, le vote d'une loi controversée ou à un simple excès verbal.
Sa dimension émotionnelle en fait un témoignage historique irremplaçable. Citons plusieurs exemples récents mettant en oeuvre cet autocollant :
- la manifestation de 1992 contre le Front national qui a suivi l'annonce des profanations du cimetière juif de Carpentras ;
- la riposte à la mort de Malik Oussekine en 1986 ;
- l'énorme manifestation de l'entre-deux tours des élections de 2002.
Peu d'organisations politiques sont capables de réagir rapidement, seules les plus activistes et les mieux préparées peuvent se mobiliser dans l'urgence. Il y a les professionnels du coup d'éclat qui ont théorisé ce type d'action et sut se donnent des moyens d'interventions rapides.
L'UNI (la droite universitaire) en fait partie et perpétue la tradition gaulliste du coup de main, elle est prête à intervenir au plus vite, grâce à son imprimerie spéciale. La LCR, rompue à l'action permanente est réactive et peut imprimer des autocollants en un temps record.
Le Parti communiste et sa longue tradition de l'action directe, a un savoir-faire inégalé de l'agitation et s'est doté de tous les moyens pour y parvenir. Il est cependant moins réactif que par le passé. Beaucoup d'organisations ne développent pas cette culture de la réactivité et ne cherchent pas le coup d'éclat permanent. Comme elles ne rentrent pas dans ce schéma d'autocollants événementiels. elles n'en produisent pas, les Verts par exemple ne sont pas des habitués de la rue.

Autocollant de 1992, sorti pour une manifestation de colère
en réaction à la profanation du cimetière juif de Carpentras

L'AUTOCOLLANT D'ANNONCE

L'autocollant d'annonce reproduit l'une des fonctions favorites du papillon d'avant-guerre, celle d'informer, d'appeler, de signaler un événement politique. Les tracts et les affiches remplissent aussi ce rôle de porte-voix. Il est facile de l'identifier par l'inscription qu'il comporte, une date et un lieu.
Les autocollants ont évolué et sont passé de l'information brute, du texte sans aucune illustration, à des images de plus en plus sophistiquées.
Donner envie, attirer et séduire, tel est son credo. Aujourd'hui, ils se font plus rares, la magie Internet remplit cette fonction d'annonce, à une différence près, l'autocollant vient à la rencontre du passant alors qu'il faut aller sur Internet.

L'AUTOCOLLANT PROMOTIONNEL

Son objectif est de faire connaître un média ou du matériel politique pour nous inciter à l'utiliser, car il est vital pour une organisation politique de pouvoir diffuser ses idées avec ses propres outils de communication.
Il y a près de quatre cents structures politiques en France et peu ont les moyens de faire de la publicité pour leur journal ou leur revue.
Hormis Internet, l'autocollant est l'unique moyen pour effectuer cette tâche de promotion. Finalement. c'est de la publicité clandestine tolérée. Certains ont d'ailleurs bien saisi cette opportunité, comme ces groupes de rap ou de rock qui empruntent la technique de l'autocollant, gratuit et présent dans la rue, l'espace populaire par excellence. Ce type d'autocollant fonctionne toujours avec les codes éculés de cette fameuse réclame de papa.
Heureusement, on trouve aujourd'hui des sympathisants graphistes, bien décidés à se décarcasser et à chercher un chemin original à la publicité politique.
Certains, toujours à l'affût d'idées percutantes sont mime capables de rivaliser avec les professionnels de la communication.
Quelques mouvements politiques fonctionnent depuis toujours avec ce système de publicité parallèle et ont produit leurs premiers autocollants dans ce but. Ils lancent régulièrement de vraies campagnes de promotion. Le Parti communiste utilise les services de professionnels de la communication pour faire la promotion de son journal l'Humanité, la Fédération anarchiste produit des séries d'autocollants pour Radio libertaire, l'Action française le fait depuis toujours pour sa presse.
Le cas du Front national est exemplaire et nous révèle son talon d'Achille : l'isolement dû à l'absence d'un grand média populaire à son service.
Pour y remédier, il n'a pas d'autre solution que l'autocollant. Il en produisait beaucoup, pour la promotion de ses différents supports de communication. Les plus anciens vantent des médias déjà dépassés ou disparus comme le minitel ou la boîte vocale.

 / 2010 / photo M.Vayer 

L'AUTOCOLLANT DE VISIBILITÉ

C'est une catégorie considérée comme la quintessence de l'autocollant. On pourrait l'appeler aussi autocollant de reconnaissance ou de promotion, En effet sa finalité est de faire connaître une organisation politique, de nous la présenter et lui donner un visage, avec comme objectif de l'imprimer dans notre univers mental. Pour réussir sa mission, cet autocollant doit se remarquer immédiatement, afin d'entraîner l'adhésion directe, susciter l'intérêt ou tout simplement provoquer l'empathie. En interne, son rôle est existentiel et stimulant. il crée de la cohésion entre les militants et propage la culture politique de l'organisation, tout en forgeant son identité.
Pour atteindre ses objectifs, l'organisation politique cherche à se projeter visuellement, elle utilise pour ce faire, les trois ingrédients de base de l'autocollant qui la composent : l'image, le sigle et le slogan. Il doit éveiller d'un simple coup d'oeil, un sentiment ou déclencher une impression.
C'est sa vitrine, et à ce titre l'autocollant nécessite une articulation précise, l'osmose parfaite entre texte et image. Une phrase, une seule illustration doivent suffire à résumer sa vision politique.
Des militants m'ont témoigné que la seule vue d'un simple autocollant a entraîné le déclic de leur engagement. Celui-ci comportait la formule exacte qu'ils recherchaient, preuve est faite de l'impact non négligeable de cet outil de propagande.
Il ne propose rien, pas de journaux à vendre. pas de meetings à annoncer, sa présence dans les rues parajt incongrue. Il est pourtant là pour nous faire percevoir, sentir et adhérer. C'est un autocollant généraliste, fait pour traverser le temps et frapper les esprits. Il fonctionne par la séduction et préfère s'adresser à l'affectif plutôt qu'à la raison.
La simple présentation du logotype et du slogan ne suffit pas pour atteindre le passant, il doit se dépasser. Il est l'archétype de l'art de la propagande, le coup de baguette magique d'un artiste qui manipule l'inconscient avec des symboles.
On ne peut pas s'empêcher d'évoquer le travail de Serge Tchakhotine et son livre paru en 1939 le viol des foulles par la propagande politique, qui tentait de rapprocher la démarche propagandiste au réflexe conditionné de Pavlov.
Ces autocollants sont nombreux et très utilisés par toutes les formations politiques ayant besoin de visibilité. Les plus petites en ressentent l'absolue nécessité et l'acte de naissance d'une nouvelle organisation commencent souvent par la production d'autocollants de reconnaissance. Il faut absolument se montrer, et même si son identité visuelle est encore balbutiante et imparfaite, il est impératif de répondre immédiatement à la question : qui êtes-vous ? Par une image précise et un slogan clair.

 Anonyme / 2005

L'AUTOCOLLANT D'EXPRESSION LIBRE

Il est atypique, unique et a pour particularité d'être conçu par une personne ou un groupe restreint. Son objectif : manifester, extérioriser et libérer la pensée individuelle. Il ressemble à un cri de colère, de désespoir ou d'un fantasme guidé par l'irrésistible besoin de s'exprimer.
Ce désir est parfois si convulsif que ces autocollants se montrent injurieux, incompréhensibles et hors la loi tant ils sont passionnels. L'autocollant est un outil bien adapté à cette boulimie d'expression. Il se fait graffiti, en moins spontané. mais toul aussi rageur et libérateur.
Comme il n'y a rien de plus facile aujourd'hui que de confectionner ses propres autocollants, ils deviennent alors un mode d'expression à part entière. S'ils remédient aux carences des politiques, ils sont aussi source de plaisir, de prise de possession de l'espace à l'exemple des taggeurs, pochoiristes et autres artistes de la rue. Leur graphisme artisanal est souvent de mauvaise qualité, mais ils recèlent des trésors d'imagination et d'humour. Ces autocollants ne sont pas signés ou comportent une signature fantaisiste.
Et puis il y a les poètes, ceux qui aiment charger le mobilier urbain de leurs pensées, une poésie engagée avec des maximes et des rimes, influence du dadaïsme et du surréalisme.

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