10 nov. 2008

Analyse d'image par Florent

Commentaire M.V. : OK, bonnes déductions. En décrivant encore plus dans le détail, on doit pouvoir encore appronfondir et nuancer le propos.



« Sans préservatif, c’est avec le SIDA que vous faites l’amour, protégez vous. »
Ce n’est pas une affiche mais deux cartes bien distinctes l’une de l’autre.

Ces deux images sont peu colorées, on joue surtout sur les contrastes noir/blanc. L’intensité de la lumière blanche (les rideaux, les draps, la robe…) met en valeur la masse noire et imposante qu’est l’insecte. La saturation des couleurs est au minimum, ce qui donne à cette scène intime et « torride » un aspect médical, froid, en contraste total avec les éléments visuels typiques d’une scène d’amour. La connotation de la chambre d’hôpital est très forte, et apporte un regard cynique sur les conséquences d’un acte sexuel non protégé : une vie condamnée à lutter contre la maladie ? L’omniprésence de la menace qui nous suit partout ?
De plus, les formes de l’espace sont épurées afin de contraster avec l’aspect ciselé et les courbes de l’insecte. La texture de l’espace et des deux personnes est lisse, contrairement aux insectes qui paraissent rugueux.

La métaphore de l’insecte est clairement mise en scène, le virus du SIDA est personnifié et donc exposé au grand jour, comme en témoigne le slogan de cette campagne « c’est avec le SIDA que vous faites l’amour ». Le compagnon EST le virus, il représente l’insecte qui va dévorer sa proie, proie prise dans la toile de l’araignée ou empoisonnée par le scorpion. On est donc dans l’idée de la possession de l’autre, la fusion des deux éléments, non seulement dans l’acte sexuel mais aussi dans la prise au piège par l’insecte de la personne, emprisonnée, séquestrée, possédée, condamnée à vivre avec le virus. Les deux ne font plus qu’un. Cette image du danger peut aussi être vue comme le fruit de l’imagination de l’être humain pendant l’acte sexuel, comme la pensée soudaine que l’absence de protection peut s’avérer dangereuse, voyant donc son partenaire comme une source de problèmes. Le fait de mettre en scène deux êtres totalement différents introduit l’idée de la connaissance de l’autre : doit-on accorder sa confiance à n’importe qui ? Faire l’amour avec une personne que l’on connaît peu, est-ce dangereux ? On pourrait donc relier ces images avec certains contes de Perrault, tels que le Petit Chaperon Rouge, où l’être menaçant joue sur l’attirance, la séduction, afin de révéler sa véritable nature et punir la naïveté de sa proie. Ici, en l’occurrence, le virus du SIDA est vu comme la punition affectée aux deux personnes pour leur insouciance, leur manque de raison, de prudence, et leur indifférence à l’absence de protection.

L’insecte est considéré de tous comme le symbole de la saleté, de la répulsion, du danger. Il est intégré dans un appartement que l’on pourrait qualifier de « bourgeois parisien », telle que le montre la tenue élégante de la femme. Elle met en évidence l’idée du bon goût, du chic, du propre, d’un milieu qui se voudrait bien pensant. C’est là un des points importants qui construit le décalage de cette image : faire se rencontrer deux univers totalement différents afin qu’ils soient en parfaite adéquation, et en quelque sorte dévoiler les vices cachés et les fantasmes sales d’un univers peut-être trop « clean » en apparence. Cette idée a pour but de choquer, dégoûter, voire violer le spectateur, qui peut se reconnaître dans ces deux personnages, à cause de l’immondice de l’acte qui est en train de se produire. On s’adresse au milieu aisé mais aussi au milieu moins aisé, afin de faire prendre conscience que le sida ne touche pas seulement les plus démunis, mais bien n’importe quel individu qui ne se protège pas, qu’il soit en bas comme en haut de l’échelle sociale.


Florent Texier

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